Éditorial – Ukraine: l’impasse de Genève

– Ukraine: l’impasse de Genève

Maître du rapport de force, Vladimir Poutine a déjà obtenu la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et la quasi-certitude d’une réponse occidentale limitée en cas d’«incursion mineure» sur le territoire ukrainien.

Publié: 20.01.2022, 21h30

Qui peut arrêter Vladimir Poutine et à quel prix? Dix jours après la réunion russo-américaine de Genève, la même question se pose avant la rencontre Lavrov-Blinken ce vendredi. Entretemps, la pression militaire russe s’est accrue: Moscou n’a pas retiré un seul des 100’000 soldats massés à l’est du pays et a même envoyé des bataillons supplémentaires en Biélorussie, au nord de l’Ukraine.

Sur le front diplomatique aussi, la Russie garde l’avantage. Les États-Unis et leurs alliés ont déjà fait savoir qu’ils n’interviendraient pas militairement en Ukraine en cas d’invasion russe: rien ne les y oblige puisque ce pays n’est pas membre de l’OTAN, et ne le sera pas de sitôt. Reste aux Occidentaux l’arme des sanctions, à condition qu’elles soient dissuasives.

Or, Joe Biden a cru bon mercredi de faire une différence entre une «incursion mineure» des Russes en Ukraine et une attaque de grande ampleur, laissant entendre que seule la deuxième serait lourdement sanctionnée. Effet calamiteux de la part d’un président qu’on disait expert en diplomatie: il affaiblit la position américaine avant même de négocier.

«Les Européens seraient les premiers à pâtir de sanctions efficaces contre Moscou.»

Une victoire de plus pour Vladimir Poutine: il a déjà obtenu le gel – de fait – de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, même si les États-Unis ne signeront aucun document écrit à ce sujet. Et il a compris qu’une invasion limitée de l’Ukraine, par exemple le long de la mer d’Azov, pour créer un corridor avec la Crimée, entraînerait des sanctions supportables pour Moscou, comme celles qui frappent la Russie depuis 2014.

Les réticences de l’Allemagne à utiliser le gazoduc Nord Stream 2 pour sanctionner le Kremlin le montrent: les Européens seraient les premiers à pâtir de sanctions efficaces contre Moscou. Vladimir Poutine peut continuer à jouer avec les nerfs et les contradictions des Européens et des Américains. Ils n’ont pas encore trouvé la parade.

Malika Nedir est cheffe de la rubrique Monde depuis 2019. Elle a travaillé auparavant à la RTS comme reporter, journaliste à la rubrique Internationale, correspondante à Paris et présentatrice du TJ. Elle est lauréate du Prix Jean Dumur en 2004.

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