En passant de la capitale suisse à la Ville lumière, j’ai quitté la vice-championne du monde des villes les moins stressantes pour plonger dans un enfer des nerfs. La preuve.
OpinionAlain Rebetez
Publié aujourd’hui à 06h37
Il y a des mails qui vous terrassent. Par exemple celui que j’ai reçu l’autre jour d’une boîte de communication qui diffuse à intervalles réguliers des classements internationaux des villes du monde entier. Il y en a pour tous les goûts: les impôts, la pollution, la sécurité, la qualité de l’administration ou même le bonheur des habitants…
Cette fois-ci, c’était le stress. Cent villes ont été étudiées pour se voir classées de la moins stressante à la plus stressante: Reykjavik se révèle ainsi le paradis universel des nerfs, alors que Bombay en est l’enfer.
Jusque-là, pas de quoi s’exciter. Mais en cliquant sur le lien, j’ai découvert que Berne est la vice-championne du monde des villes les moins stressantes. Berne, notre Berne, Bäärn comme on dit là-bas avec cet accent traînant qui nous définit tant.
Et Paris, me suis-je demandé? Pour la trouver, il faut descendre dans la liste, assez loin à vrai dire, au 62e rang, à peine mieux que Londres (69), Bucarest (72) ou New York (75).
«Berne l’emporte presque partout et humilie Paris en termes de sécurité, trafic, bruit et taux de chômage.»
Pour être franc, je m’en doutais un peu, mais désormais j’en ai la preuve: on stresse moins à Berne qu’à Paris. Tout cela est détaillé scientifiquement à travers seize critères, chiffrés à la décimale près. Berne l’emporte presque partout et humilie Paris en termes de sécurité, trafic, bruit et taux de chômage, sans compter le revenu disponible des ménages.
Paris ne domine sa petite rivale helvétique, et de peu, que dans trois domaines: la sécurité sociale, le traitement de la crise Covid (eh oui!) et la météo. Là, je confirme: le temps est exécrable dans les deux villes, mais un peu moins ici…
Vous me direz, non sans raison, que cette étude enfonce à grands coups de pied des portes ouvertes. Il suffit de s’attabler à la terrasse d’une des brasseries de la gare de Lyon pour le savoir.
Rien de plus stressant, en effet, que d’affronter un serveur parisien de la grande tradition, cet être fantasque et inaccessible qui tient le souhait du client à être servi pour une prétention égale à la grâce divine chez les protestants: quelque chose à quoi personne n’a droit mais que Dieu, donc le serveur, accorde librement dans son infinie bonté.
Respect et gentillesse incongrus
À vrai dire, je m’égare, les serveurs et les commerçants parisiens n’ont certes pas la suave amabilité des Bernois, mais ils sont plus charmants que leur réputation. Pourtant, cette échelle du stress, aussi évidente et banale peut-elle sembler, traduit une réalité profonde: la Suisse est un biotope amène et protégé, où règnent des formes de respect et de gentillesse qui semblent incongrues à Paris.
La France reconnaît cette gentillesse, mais comme elle tient la qualité pour ennuyeuse, elle en conclut que le Suisse est chiant. Je ne partage pas cette conclusion. Pourtant, dans ma douleur d’avoir chuté du 2e au 62e rang, je me console en me disant que, parfois, malgré tout, Paris est peut-être un peu plus excitant…
Publié aujourd’hui à 06h37
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