– Les pubs glamours pour les cigarettes, c’est du passé
En voulant limiter le recrutement de nouveaux jeunes fumeurs, l’initiative populaire «Enfants sans tabac» vise juste. L’industrie s’en remettra.
OpinionPatrick Monay- Rédacteur en chef adjoint de la rédaction TamediaPublié aujourd’hui à 06h36
C’était à une époque révolue, celle où l’on fumait encore dans les bistrots. Et où la pub pour les cigarettes s’étalait partout, sur les murs, au cinéma et dans les magazines.
Dans ma classe, nous étions plusieurs à découper ces images de grands espaces américains ou de plages de sable fin. Il suffisait de les glisser dans des protège-cahiers transparents pour personnaliser son matériel scolaire. Je revois encore le cow-boy, clope au bec, qui faisait boire son cheval dans une rivière. Et ces jeunes fêtards réunis autour d’un feu, heureux comme des papes au soleil couchant.
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Trente ans plus tard, le fameux cow-boy M*** est mort du cancer et d’affreuses images de poumons noircis ornent les paquets. L’imaginaire qui entoure le tabac a pris un gros coup dans l’aile. Mais les géants du secteur investissent toujours des millions dans la publicité et le marketing pour vendre leurs produits.
À qui ces messages promotionnels s’adressent-ils? C’est la question clé soulevée par l’initiative populaire «Enfants sans tabac», soumise à votation le 13 février. J’ai beaucoup de mal à croire qu’ils visent en premier lieu les fumeurs réguliers, histoire de gagner des parts de marché. Ce sont des clients captifs, fidèles à une marque autant qu’à leur addiction… jusqu’à ce qu’ils parviennent à arrêter.
«L’enjeu, pour les fabricants, consiste à recruter sans cesse de nouveaux consommateurs pour remplacer ceux qui abandonnent la fumée ou qui décèdent.»
L’enjeu, pour les fabricants, consiste à recruter sans cesse de nouveaux consommateurs pour remplacer ceux qui abandonnent la fumée ou qui décèdent. Une stratégie qui s’avère payante: la part de fumeurs en Suisse – 27% de la population des 15 ans et plus – reste stable au fil des ans. Et plus de la moitié d’entre eux ont goûté à la nicotine avant leur majorité.
Alors que faire? Certes, la loi votée de haute lutte par le parlement prévoit enfin d’interdire la vente de produits du tabac aux mineurs dans tout le pays. Mais ce serait bien naïf de penser qu’ils ne pourront plus s’en procurer. L’initiative veut donc limiter le pouvoir de séduction des cigarettes et des vapoteuses auprès des enfants et des adolescents en excluant la publicité qui leur est accessible. Loin des yeux, loin du cœur.
Un pas à franchir
En termes de santé publique, il vaut la peine de franchir ce pas supplémentaire. Quitte à admettre une entrave à la sacro-sainte liberté de commerce. L’industrie du tabac ne pourra plus draguer le chaland sur internet, dans les journaux ou dans les festivals. Mais n’a-t-elle pas déjà surmonté l’interdiction de la fumée dans les établissements publics, en vigueur depuis 2010?
Si vous avez peur pour eux, rassurez-vous: cette fois encore, Philip Morris et ses concurrents sauront se montrer inventifs. Même sans les photos glamours d’antan.
Rédacteur en chef adjoint de la rédaction Tamedia
Yvain Genevay
Patrick Monay est rédacteur en chef adjoint de la rédaction Tamedia. Il dirige la rubrique Suisse depuis 2018, après y avoir couvert l’actualité des cantons romands dès 2012. Né et domicilié en Valais, il est entré en l’an 2000 à la rédaction locale de 24heures, où il a travaillé sur la Riviera et dans le Chablais.
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