– Réchauffement climatique, faites entrer les accusés
Dans la lutte en faveur du climat, les citoyens attaquent de plus en plus leurs gouvernements en justice. Avec succès.
Publié aujourd’hui à 06h37
Je me souviens de Boris Johnson lançant la COP26 à Glasgow. La crinière jaune paille savamment décoiffée, le verbe enflammé comme à son habitude, le buste tendu, prêt à prendre à bras-le-corps les problèmes de la planète. Surfant sur une métaphore un peu plate de James Bond et du tic-tac de la montre avant l’explosion. Mais bon, guerrier comme jamais et rugissant l’urgence de se mobiliser.
Au milieu des autres journalistes, je l’observais s’agiter devant le parterre des puissants de la planète, sur la réserve et applaudissant poliment. Sur le moment, je ne le cache pas, Boris Johnson m’avait inspirée. Je m’étais imaginé, très naïvement certes, qu’avec autant d’énergie et de volonté, cet énième sommet sur le climat allait peut-être finalement accoucher d’une bonne surprise. Au point que j’en voulais presque aux manifestants devant les grilles qui reprochaient déjà à tout le monde de ne pas en faire assez alors que la COP ne faisait que commencer.
«La mobilisation des citoyens pour le climat se décline aujourd’hui en procédures, plainte et recours.»
Deux mois plus tard, Glasgow n’a fait rêver personne et le Royaume-Uni est traîné en justice par deux ONG qui lui reprochent sa stratégie climatique. Dans deux plaintes déposées mercredi, Client Earth et Friend of the Earth reprochent au gouvernement de promettre à ses concitoyens la neutralité carbone en 2050 mais sans plan crédible pour y parvenir. La Haute Cour à Londres devra trancher. Le lion rugit mais n’attaque plus, ressemblant davantage à un gros matou grincheux malmené par les attaques écologistes.
Le Royaume-Uni ne fait pas exception en la matière. Sur cette même tribune à Glasgow, dans la foulée contagieuse de son homologue britannique, Emmanuel Macron clamait haut et fort «ambition, solidarité et confiance». La France venait de perdre alors contre quatre associations dans l’affaire du siècle, reconnue coupable d’inaction climatique.
Coupables aussi les Pays-Bas en 2015, le Pakistan la même année, attaqué par un fermier aux récoltes détruites, qui avait obtenu gain de cause. Il y a l’action en justice contre cinq pays intentée par des militants, dont Greta Thunberg. Des jeunes Portugais qui saisissent la Cour européenne des droits de l’homme car leur pays brûle. Ou encore, dans un combat plus personnel, le gréviste de la faim du Palais fédéral, qui gagne son bras de fer.
Victoires judiciaires
La mobilisation des citoyens pour le climat se décline aujourd’hui en procédures, plaintes, recours et interprétation du droit par des armées d’avocats. Peu importe que le Royaume-Uni ait décidé d’interdire la vente de nouvelles voitures à essence ou diesel après 2030, cinq ans avant l’UE. Cela ne va pas assez vite pour les militants, pas assez loin. Galvanisé par les victoires judiciaires, le mouvement n’est pas près de s’éteindre.
À la tribune des puissants de Glasgow, je n’oublierai jamais Txai Surui, jeune indigène de l’Amazonie venue défendre sa forêt à la place du président brésilien qui n’avait pas jugé bon de se déplacer. À 24 ans, Txai achève ses études de droit. Forcément.
Virginie Lenk est journaliste à la rubrique internationale depuis 2019, spécialiste de l’environnement. Elle a travaillé auparavant à la RTS.
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