– «L’État peut contribuer à mettre en place de bonnes conditions-cadres pour des médias libres»
Prise de position sur la votation du 13 février 2022 concernant le référendum contre le paquet d’aide aux médias du Conseil fédéral.
OpinionPietro Supino
Publié aujourd’hui à 06h48
Il est probable que l’évolution du secteur des médias ne fasse pas partie des questions les plus importantes dans la vie pour la majeure partie de la population. Espérons toutefois que de nombreux Suisses sont conscients de l’importance de médias forts. Leur mission est de rapporter des faits et des opinions. Dans certains cas, ils proposent aussi de la hiérarchisation et de l’éclairage. L’indépendance du journalisme est une condition nécessaire dans toute communauté démocratique libérale, et cette condition ne peut, par définition, pas être créée par l’État lui-même.
Depuis son introduction en 1849, rien n’indique qu’elle ait conduit à une prise d’influence de l’État sur les médias. Cette forme de soutien étatique n’est pas accordée dans l’intérêt des éditeurs, mais dans celui des citoyennes et des citoyens intéressés par la politique qui souhaitent s’abonner à un journal et le recevoir à domicile.
«Il s’agirait d’un véritable problème de société si le prix d’abonnement à un journal devenait inabordable en raison des coûts de distribution.»
L’élargissement de l’aide indirecte à la presse est nécessaire parce que les tirages des journaux imprimés diminuent, ce qui entraîne une augmentation des coûts de distribution à domicile par exemplaire. L’augmentation des tarifs des organismes de distribution met en péril le modèle économique des journaux imprimés.
Certes, les médias numériques prennent une place de plus en plus significative, mais les journaux imprimés resteront dans un avenir prévisible très importants pour la formation démocratique de l’opinion dans une Suisse fédéraliste. Il s’agirait d’un véritable problème de société si le prix d’abonnement à un journal devenait inabordable en raison des coûts de distribution et si cette distribution ne pouvait plus être garantie sur l’ensemble du territoire.
Au cours du processus politique, l’élargissement de l’aide indirecte à la presse, nécessaire et largement incontesté, a été complété par d’autres éléments visant à encourager les nouveaux médias numériques. Dans ce contexte, il a été fait en sorte de ne pas porter atteinte à leur indépendance rédactionnelle. C’était une préoccupation importante des associations d’éditeurs.
En tant que président de l’une d’elles, je peux souligner que nous avons introduit le concept que l’aide aux médias en ligne voulue par l’administration fédérale et le parlement soit calculée en fonction des revenus du marché lecteurs. Le mécanisme repose ainsi sur le même principe que l’aide indirecte à la presse. Les opposantes et opposants au paquet d’aide aux médias n’ont jusqu’à présent pas réussi à expliquer de manière convaincante en quoi cela pouvait conduire à des risques que les contenus soient influencés.
Toute la branche en profiterait
En revanche, ils avancent l’argument facile selon lequel l’aide élargie aux médias profite surtout aux grands éditeurs, qui n’en ont pas besoin. Ce n’est pas vrai. Toute la branche, les petits, les moyens et les grands, en profiterait. À juste titre, car l’ensemble de la branche contribue à ce que le paysage médiatique suisse soit si qualitatif et diversifié en comparaison internationale et historique.
En ce qui concerne le paquet d’aide aux médias, la grande majorité d’entre eux sont d’accord pour dire qu’il est équilibré. Cela en dit long sur sa qualité et devrait être considéré positivement. Qualité qui l’emporte sur les avantages d’un écosystème intact. Il est dans la nature des choses que les grandes entreprises, en raison de leur nombre d’exemplaires plus élevé, profitent davantage en valeurs absolues que les petites de tarifs de distribution réduits.
Il n’y a pas de lien entre la taille d’une entreprise et son succès économique. Les plus petits éditeurs sont actifs sur les marchés locaux, tandis que les plus grands emploient la majeure partie des journalistes et financent les infrastructures de la branche ainsi que la recherche et le développement. Beaucoup de petits font imprimer leurs journaux à des coûts marginaux par des plus grands, qui leur fournissent aussi des contenus suprarégionaux à des conditions très avantageuses.
De nombreuses grandes entreprises, telles que Tamedia, éditent également des médias locaux et régionaux, qui sont importants pour le fonctionnement de la Suisse fédéraliste. Il est également faux de prétendre que les grands éditeurs dépendent moins que les plus petits de l’aide indirecte à la presse.
La captation structurelle des recettes publicitaires par les plateformes en ligne globalisées touche davantage les journaux et les magazines à grand tirage, sans lesquels la distribution de la presse à domicile sur l’ensemble du territoire ne serait même pas envisageable. Leur disparition aurait à son tour des conséquences dramatiques pour La Poste et l’accomplissement de son mandat de service universel.
«Les associations d’éditeurs ne soutiendraient jamais ce qui pourrait aboutir à influencer les contenus et à distordre la concurrence.»
L’indépendance et la capacité d’innovation présupposent le succès économique. Les associations d’éditeurs ne soutiendraient jamais ce qui pourrait aboutir à influencer les contenus et à distordre la concurrence par des subventions directes. Cela rendrait peu attractif l’investissement dans les médias et le journalisme, ou alors pour des motifs politiques.
À la fin, l’ensemble du système médiatique serait financé par des mécènes et par les pouvoirs publics. Cela ne devrait dans le fond pas être l’objectif du comité «Non aux médias d’État», qui est à l’origine du référendum contre le paquet de mesures d’aide aux médias.
La transformation numérique nous place tous devant de grands défis. La large majorité des médias chapeautés par les associations d’éditeurs ont pris leur destin en main et convainquent par des stratégies variées qui vont du maintien d’un niveau de qualité qui a fait ses preuves à des innovations créatives. Le paquet d’aide aux médias, limité à sept ans, offre à la branche un soutien de transition essentiel vers le monde numérique.
Comme il comprend tout un éventail de mesures, il est possible d’avoir des avis différents sur les détails. Dans l’ensemble, il s’agit d’un bon compromis, d’importance vitale pour le paysage médiatique suisse. C’est pourquoi l’association d’éditeurs et moi-même, en tant qu’éditeur de Tamedia, nous prononçons en faveur de l’adoption de ce paquet.
Éditeur de Tamedia et président de l’association des éditeurs alémaniques
Publié aujourd’hui à 06h48
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