OpinionCourrier des lecteurs
Publié: 15.06.2021, 07h11
REUTERS
Cologny, 6 juin
Le droit d’asile est perçu par certains comme intangible, comme une réalité juridique immuable. Le projet danois de délocaliser au Rwanda la gestion des demandes d’asile l’illustre. Brandissant conventions et grands principes, les «défenseurs» du droit d’asile disqualifient sans discussion le projet sacrilège. Pourtant, bien que contestable sur le fond, l’initiative du gouvernement danois mérite mieux que des cris d’orfraies. Elle reflète une prise de conscience politique de l’urgence à réformer substantiellement un droit d’asile à la dérive.
Au niveau européen, le constat est sans appel: la majorité des demandes d’asile est rejetée, mais les déboutés, très rarement reconduits dans leur pays d’origine. Depuis longtemps, le droit d’asile cache aussi une immigration de nature économique, au détriment des nombreux réfugiés politiques dont la demande de protection devient suspecte. Le cas syrien n’est pas non plus exempt d’ambiguïtés liées au statut de réfugié. Malgré les aides colossales versées à la Turquie pour y aider des millions de réfugiés, la moindre brèche à la frontière grecque y crée un appel d’air, à destination principalement de la prospère Europe du Nord.
Les réfugiés sont pourtant en sécurité en Turquie, bien que leur horizon personnel y soit certes bouché. L’aspiration à une vie meilleure, qui n’est pas pour autant un droit à s’installer ailleurs, est le moteur principal des vagues migratoires vers l’Europe. Or, ces flux sont voués à croître au vu de la démographie mondiale; ainsi, le seul Nigeria aura autant d’habitants que l’Europe d’ici à 2050! Il faut donc avoir les yeux fermés pour ne pas voir que les conventions, et autres textes juridiques consacrant le droit d’asile au XXe siècle, doivent évoluer en profondeur. Si l’obligation de protéger reste la même en 2021 qu’en 1945, le monde n’est plus du tout le même.
La lucidité et le courage politique pourront seuls sauver un droit d’asile aujourd’hui dévoyé et menacé. Car le risque est réel que ce noble principe de protection soit toujours plus contesté dans les urnes, par des populations européennes tétanisées devant les enjeux migratoires du siècle. Le droit d’asile est trop important pour l’abandonner aux mains des partis extrémistes, des juristes et des ONG.
Nicholas Marcet
Publié: 15.06.2021, 07h11
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