– Le nectar d’une vie d’artiste
OpinionCourrier des lecteurs
Publié aujourd’hui à 07h34
LAURENT GUIRAUD
Cologny, 26 juillet
Vous êtes accueilli comme un prince par les jolies secrétaires de votre première maison de disques (RCA Victor). La plus jeune vous offre un café avec de bons petits chocolats avant que le directeur artistique, tout sourire, ne vienne vous conduire lui-même dans son grand bureau pour vous faire signer un contrat exclusif d’enregistrement.
Vous ressortez, le cœur battant, la tête un peu plus grosse qu’avant. Descendant d’un pas alerte les Champs-Élysées, vous rayonnez, fier comme un immortel.
Après la sortie de deux 45 tours successifs, vous partez en tournée à travers toute la France, accompagné par l’orchestre d’Eddie Vartan. Dans sa tenue militaire, Johnny vous rejoint le week-end et vous offre régulièrement le dîner en compagnie de sa fiancée Sylvie qui, de ville en ville, partage avec vous les plus grandes scènes de l’époque.
Presque soixante ans plus tard, vous chantez au P’tit Music’Hohl de Genève en vous accompagnant vous-même au piano. Après le tomber de rideau, vous repensez parfois à celui de l’Olympia, rouge également, qui ne s’ouvrira sans doute plus jamais sur vous… Entre rêves et souvenirs, vous déroulez le film de votre vie à l’envers. Les images se troublent avant de s’éclaircir.
Vous atterrissez dans le présent, au côté de votre adorable quatrième et dernière épouse, qui vous aime comme vous êtes maintenant et vous comble de son charme et de ses attentions.
Président de l’Académie romande, du Cercle des Rousseauistes, vice-président de l’Alliance française de Genève, consultant de l’Académie française, auteur de livres de poèmes et de nombreux disques d’or attribués grâce à d’autres interprètes qui ont fait de certaines de vos chansons des succès, vous faites travailler d’autres artistes que vous mettez en valeur en leur cédant la seconde partie des «Mardis de Pierre Alain».
Le temps vous apprend que ce dont vous aviez tant rêvé quand vous étiez un jeune coq prétentieux ne valait absolument pas ce que vous vivez en partageant modestement avec les autres au lieu de vouloir à n’importe quel prix devenir le roi de la cour…
On ne goûte au nectar de toutes ses expériences qu’en partageant avec les autres dans une confiance mutuelle.
Pierre Alain
Publié aujourd’hui à 07h34
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