– Tenter de vivre heureux chez soi
OpinionCourrier des lecteurs
Publié aujourd’hui à 09h17
ODILE MEYLAN
Cologny, 24 mars
Le bleu du ciel s’intensifie. Ouvrons la fenêtre et respirons, tchoc, tchoc, tchoc, voilà le printemps! Un merle garnit de mousse le fond d’un gros nid de branches calé entre les ramilles de la haie bordant le jardin aux cerisiers blancs.
Sifflements vifs, tendres ramages, la merlette penche la tête, sautille, impatiente de se mouler au creux de sa couche douillette où elle couvera bientôt quatre ou six œufs… Son enchanteur ramènera des insectes pour toute la nichée, la protégeant des prédateurs, chats ou rapaces friands d’oisillons, à coups d’ailes, de griffes et de bec.
«La vie, c’est une sacrée bagarre!» me répétait souvent mon père, quand je portais encore des culottes courtes. Je tournais la tête, ne saisissant pas qu’il me parlait ainsi pour tenter de m’endurcir un peu.
Ma mère, fine comédienne, me contait de tendres poèmes avec une telle authenticité que je ne pouvais m’empêcher d’y croire et de rêver…
Ma grand-mère me présentait de nouvelles petites fleurs ouvertes dans notre paradis conchois. Elle me chuchotait le nom de chacune d’entre elles, inclinant vers mon oreille son chapeau de paille à larges bords, comme s’il s’agissait de me révéler des secrets qu’il ne faudrait jamais divulguer. Puis elle me prenait sur ses genoux pour m’apprendre le piano.
Ma sœur aînée aux cheveux de feu et notre cousine, blonde comme la lune, m’apprenaient le jeu de la bague d’or. J’étais un peu leur prince charmant.
Laissons de côté ces enfantillages qui vous feraient perdre trop de votre temps précieux. Fermons la fenêtre. Enclenchons la télévision: Sirènes, bombardements, horreur…
«Chéri, le déjeuner t’attend.» Revenons aux choses sérieuses! Mon épouse a fait de moi un roi. Elle me remet les pieds sur terre, m’inspire d’un sourire à créer de nouvelles musiques. Elle me donne plein de courage en interprétant des chansons de ma plume, avec talent et succès, le mardi, au P’tit Music’Hohl.
On ne peut porter le monde entier sur ses épaules, mais tenter de vivre heureux chez soi, ici ou ailleurs, en apportant sa part de colibri, de merle, ou d’humain. C’est peut-être mieux que de faire la guerre.
Pierre Alain
Publié aujourd’hui à 09h17
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