– Poutine a ressuscité l’OTAN
OpinionOlivier Védrine Pr h.c.
Publié aujourd’hui à 09h14
«Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’OTAN», déclarait Emmanuel Macron à l’hebdomadaire «The Economist» dans un entretien publié en novembre 2019. Ce que nous sommes en train de vivre maintenant c’est la résurrection de l’OTAN grâce à Poutine. L’objectif de la Russie actuellement semble être de préparer une invasion de l’Ukraine comme l’invasion de la Crimée en 2014 et ce dans le but de forcer Kiev à se conformer à la stratégie européenne de Moscou par tous les moyens coercitifs nécessaires, y compris l’utilisation éventuelle de forces militaires à grande échelle.
Le 18 janvier, les États-Unis et le Royaume-Uni ont confirmé que toutes les forces russes nécessaires étaient en mesure de lancer une invasion de l’Ukraine. L’un des scénarios d’une attaque russe serait une invasion le long de l’axe Tchernihiv-Marioupol et serait conçue pour «couper» une grande partie de l’est de l’Ukraine du reste du pays. La Russie justifierait probablement son invasion comme un acte humanitaire visant à protéger la minorité russophone d’Ukraine dans l’Est du pays en inventant pour instaurer un «casus belli» des provocations ukrainiennes sur la ligne de front du conflit dans le Donbass. La zone occupée deviendrait de facto un «protectorat» russe avant de se voir finalement offrir le statut de province russe par la Douma ce qui correspond au plan de 2014 de Novarussia.
En cas de succès, une telle stratégie donnerait à la Russie le contrôle total de la mer d’Azov, lui permettrait de s’emparer du port de Marioupol et fournirait un pont terrestre sûr entre la Crimée, Sébastopol et la Russie.Il est encore temps pour les Alliés occidentaux d’utiliser les voies diplomatiques pour convaincre les dirigeants russes que la coercition stratégique complexe qu’ils appliquent contre l’Ukraine, et par extension contre les Alliés et leurs partenaires, est vouée à l’échec. Une telle approche nécessite impérativement une solidarité euro-atlantique, un front uni pour que Moscou ne puisse compter sur aucune faiblesse du monde occidentale. Un dialogue avec la Russie doit viser à envoyer un message clair à Moscou selon lequel l’Alliance maintiendra toujours une posture de force pour assurer une défense et une dissuasion crédibles pour l’ensemble de l’Alliance, et que l’agression russe et l’usage illégal de la force auront toujours de profondes conséquences pour la Russie.
«Une nouvelle bipolarité se dessine, les régimes démocratiques contre les régimes autoritaires»
Dans la Charte de Paris du 21 novembre 1990, il est stipulé clairement que les nations pouvaient librement rejoindre n’importe quelle alliance. L’héritage de l’URSS par la Russie qui s’est désigné et a été reconnu comme «État continuateur» de l’URSS ne se limite pas seulement à pourvoir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, mais à respecter aussi et à se conformer aussi à tout traité, accord ou mémorandum qu’elle a signé en tant qu’URSS.
Les mémorandums de Budapest documents signés le 5 décembre 1994, respectivement par la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine ainsi que par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie qui accordent des garanties d’intégrité territoriale et de sécurité à chacune de ces trois anciennes Républiques socialistes soviétiques (RSS) en échange de leur ratification du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En 2009, les États-Unis et la Russie confirment la validité de ces trois mémorandums. Lors de la crise de Crimée de 2014, l’Ukraine se réfère à ce mémorandum pour rappeler à la Russie qu’elle s’est engagée à respecter les frontières ukrainiennes, et aux autres signataires qu’ils en sont garants.
Lors d’un sommet à Minsk le 11 février 2015, les dirigeants de l’Ukraine, de la Russie, de la France et de l’Allemagne se sont mis d’accord sur des mesures concernant la guerre du Donbass. Les pourparlers ont été organisés par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à la suite de l’échec du Protocole de Minsk. Ce traité devait faire respecter le cessez-le-feu du 5 septembre 2014. Les Russes par leurs exigences l’ont rendu inapplicable par l’Ukraine.
Nous sommes maintenant dans une situation qui est la conséquence de la grande naïveté des dirigeants occidentaux. L’arrivée de l’agent du KGB Poutine au pouvoir il y a plus de vingt ans aurait dû nous alerter, l’invasion de la Géorgie en 2008, l’annexion de la Crimée en 2014 tout cela est une suite logique de reconquête de l’espace soviétique. Les dirigeants politiques européens doivent mettre fin aux guerres de Poutine. Poutine veut soumettre l’Europe, détruire l’OTAN, écraser le model démocratique. Une nouvelle bipolarité se dessine, les régimes démocratiques contre les régimes autoritaires. Ce sera un combat à mort car, si nos démocraties privilégient les valeurs humanistes et le dialogue, les régimes autoritaires et les dictatures ne privilégient que la force.
* Journaliste et écrivain, rédacteur en chef de «Russian Monitor» https://rusmonitor.com/ , Membre du Comité d’Orientation de l’Association Jean Monnet
Politologue, journaliste et écrivain.
Publié aujourd’hui à 09h14
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